CONSTITUTION DU 14 JANVIER 1852 Faite en vertu
des pouvoirs délégués par le peuple français à Louis-Napoléon Bonaparte par le vote des 20 et 21
décembre 1851 Le Président
de la République Considérant que le Peuple
français a été appelé à se prononcer sur la résolution suivante: “Le peuple veut le maintien de
l’autorité de Louis-Napoléon Bonaparte, et lui donne les pouvoirs nécessaires pour faire
une Constitution d’après les bases établies dans sa proclamation du 2 décembre”; Considérant que les bases
proposées à l’acceptation du Peuple étaient: “1° Un Chef responsable nommé
pour dix ans; 2° Des ministres
dépendants du Pouvoir exécutif seul; 3° Un Conseil d’État formé
des hommes les plus distingués, préparant les lois et en soutenant la
discussion devant le Corps législatif; 4° Un Corps législatif
discutant et votant les lois, nommé par le suffrage universel, sans scrutin de
liste qui fausse l’élection; 5° Une seconde assemblée
formée de toutes les illustrations du pays, pouvoir pondérateur, gardien du parte
fondamental et des libertés publiques”. Considérant que le Peuple
a répondu affirmativement par sept millions cinq cent mille suffrages, Promulgue la Constitution dont la teneur suit: Titre premier Art. 1er – La Constitution reconnaît, confirme et garantit les grands principes
proclamés en 1789, et qui sont la base du droit public des Français. Titre II Formes du
Gouvernement de la République Art. 2 – Le Gouvernement de la République française est confié
pour dix ans au prince Louis-Napoléon Bonaparte, Président actuel de la République. Art. 3 – Le Président de
la République gouverne au moyen des ministres, du Conseil d’État, du Sénat et
du Corps législatif. Art. 4 – La puissance
législative s’exerce collectivement par le Président de la République, le Sénat
et le Corps législatif. Titre III Du Président
de la République Art. 5 – Le Président de
la République est responsable devant le Peuple français, auquel il a toujours
le droit de faire appel. Art. 6 – Le Président de
la République est le Chef de l’État; il commande les forces de terre et de mer,
déclare la guerre, fait les traités de paix, d’alliance et de commerce, nomme à
tous les emplois, fait les règlements et décrets nécessaires pour l’exécution
des lois. Art. 7 – La justice se
rend en son nom. Art. 8 – Il a seul
l’initiative des lois. Art. 9 – Il a le droit de
faire grâce. Art. 10 – Il sanctionne et
promulgue les lois et les sénatus-consultes. Art. 11. – Il présente,
tous les ans, au Sénat et au Corps législatif, par un message, l’état des affaires
de la République. Art. 12 – Il a le droit de
déclarer l’état de siège dans un eu plusieurs départements, sauf à en référer
au Sénat dans le plus bref délai – Les conséquences de l’état de siège sont
réglées par la loi. Art. 13 – Les ministres ne
dépendent que du Chef de l’État; ils ne sont responsables, que chacun en ce qui
le concerne, des actes du Gouvernement; il n’y a point de solidarité entre eux;
ils ne peuvent être mis en accusation que par le Sénat. Art. 14 – Les ministres,
les membres du Sénat, du Corps, législatif et du Conseil d’état, les officiers
de terre et de mer, les magistrats et les fonctionnaires publics prêtent le
serment ainsi conçu: “Je jure obéissance à la Constitution et fidélité au Président”. Art. 15 – Un sénatus-consulte fixe la somme allouée annuellement au
Président de la République pour toute la durée de ses fonctions. Art. 16 – Si le Président
de la République meurt avant l’expiration de son mandat, le Sénat convoque la
Nation pour procéder à une nouvelle élection. Art. 17 – Le Chef de
l’État a le droit, par un acte secret et déposé aux archives du Sénat, de
désigner le nom du citoyen qu’il recommande, dans l’intérêt de la France, à la
confiance du Peuple et à ses suffrages. Art. 18 – Jusqu’à
l’élection du nouveau Président de la République, le président du Sénat
gouverne avec le concours des ministres en fonctions, qui se forment en conseil
de gouvernement, et délibèrent à la majorité des voix. Titre IV Du Sénat Art. 19 – Le nombre des
sénateurs ne pourra excédent cent cinquante: il est fixé, pour la première
année, à quatre-vingts. Art. 20 – Le Sénat se
compose: – 1° Des cardinaux, des maréchaux, des amiraux; – 2° Des citoyens que le Président de la République
juge convenable d’élever à la dignité de sénateur. Art. 21 – Les sénateurs
sont inamovible, et à vie. Art. 22 – Les fonctions de
sénateur sont gratuites; néanmoins le Président, de la République pourra
accorder à des sénateurs, en raison de services rendus et de leur position de
fortune, une dotation personnelle, qui ne pourra excéder trente mille francs
par an. Art. 23 – Le président et
les vice-présidents du Sénat sont, nommés par le Président
de la République et choisis parmi les sénateurs – Ils sont nommés pour un an –
Le traitement du président du Sénat est fixé par un décret. Art. 24 – Le Président de
la République convoque et proroge le Sénat. Il fixe la durée de ses sessions
par un décret – Les séances du Sénat ne sont pas publiques. Art. 25 – Le Sénat est le
gardien du pacte fondamental et des libertés publiques. Aucune loi ne peut être
promulguée avant de lui avoir été soumise. Art. 26 – Le Sénat
s’oppose à la promulgation, – 1° Des lois
qui seraient contraires ou qui porteraient atteinte à la Constitution, à la
religion, à la morale, à la liberté des cultes, à la liberté individuelle, à
l’égalité des citoyens devant la loi, à l’inviolabilité de la propriété et au
principe de l’inamovibilité de la magistrature; – 2° De
celles qui pourraient compromettre la défense du territoire. Art. 27 – Le Sénat règle
par un sénatus-consulte: – 1° La constitution des colonies et de l’Algérie; – 2° Tout ce qui n’a pas été prévu par la
Constitution et qui est nécessaire à sa marche; – 3° Le sens des articles de la Constitution qui
donnent lieu à différentes interprétations. Art. 28 – Ces sénatus-consultes seront soumis à la sanction du Président
de la République et promulgués par lui. Art. 29 – Le Sénat
maintient ou annule tous les actes qui lui sont déférés comme
inconstitutionnels par le Gouvernement, ou dénoncés, pour la même cause, par
les pétitions des citoyens. Art. 30 – Le Sénat peut,
dans un rapport adressé au Président de la République, poser les, bases des
projets de loi d’un grand intérêt national. Art. 31 – Il peut
également proposer des modifications à la Constitution. Si la proposition est
adoptée par le Pouvoir exécutif, il y est statué par un sénatus-consulte. Art. 32 – Néanmoins, sera
soumise au suffrage universel toute modification aux bases fondamentales de la
Constitution, telles qu,elles ont été posées dans la proclamation du 2 décembre
et adoptées par le Peuple français. Art. 33 – Encas de
dissolution du Corps législatif, et jusqu’à une nouvelle convocation, Io Sénat,
sur la proposition du Président de la République, pourvoit, par des mesures
d’urgence, à tout ce qui est nécessaire à la marche du Gouvernement. Titre V Du Corps
législatif Art. 34 – L’élection a
pour base la population. Art. 35 – Il y aura un
député au Corps législatif à raison de trentecinq mille électeurs. Art. 36 – Les députés sont
élus par le suffrage universel, sans scrutin de liste. Art. 37 – Ils ne reçoivent
aucun traitement. Art. 38 – Ils sont nommés
pour six ans. Art. 39 – Le Corps
législatif discute et vote les projets de loi et l’impôt. Art. 40 – Tout amendement
adopté par la commission chargée d’examiner un projet de loi sera renvoyé, sans
discussion, au conseil d’état par le président du Corps législatif – Si
l’amendement n’est pas adopté par le Conseil d’état, il ne pourra pas être
soumis â la délibération du Corps législatif. Art. 41 – Les sessions
ordinaires du Corps législatif durent trois mois; ses séances sont publiques;
mais la demande de cinq membres suffit pour qu’il se forme en comité secret. Art. 42 – Le compte rendu
des séances du Corps législatif par les journaux ou tout autre moyen de
publication ne consistera que dans la reproduction du procès-verbal dressé, à l’issue de chaque séance, par les
soins du président du Corps législatif. Art. 43 – Le président et
les vice-présidents du Corps législatif sont nommés par le Président de la
République pour un an; ils sont choisis parmi les députés. Le traitement du
président du Corps législatif est fixé par un décret. Art. 44 – Les ministres ne
peuvent être membres du Corps législatif. Art. 45 – Le droit de
pétition s’exerce auprès du Sénat. Aucune pétition ne peut être adressée au
Corps législatif. Art. 46 – Le Président de
la République convoque, ajourne, proroge et dissout le Corps législatif. En cas
de dissolution, le Président de la République doit en convoquer un nouveau dans
le délai de six mois. Titre VI Du Conseil
d’état Art. 47 – Le nombre des
conseillers d’état en service ordinaire est de quarante à cinquante. Art. 48 – Les conseillers
d’état sont nommés par le Président de la République, et révocables par lui. Art. 49 – Le Conseil
d’état est présidé par le Président de la République, et, en son absence, par
la personne qu’il désigne comme vice-président du Conseil d’état. Art. 50 – Le Conseil
d’état est chargé, sous la direction du Président de la République, de rédiger
les projets de loi et les règlements d’administration publique, et de résoudre
les difficultés qui s’élèvent en matière d’administration. Art. 51 – Il soutient, au
nom du Gouvernement, la discussion des projets de loi devant le Sénat et le
Corps législatif – Les conseillers d’état chargés de porter la parole au nom du
Gouvernement sont désignés par le Président de la République. Art. 52 – Le traitement de
chaque conseiller, d’état est de vingt-cinq mille francs. Art. 53 – Les ministres
ont rang, séance et voix délibérative au Conseil d’état. Titre VII De la haute
cour de justices Art. 54 – Une haute cour
de justice juge, sans appel ni recours en cassation, toutes personnes qui ont
été renvoyées devant elle comme prévenues de crimes, attentats ou complots contre
le Président de la République, et contre la sûreté intérieure ou extérieure de
l’État – Elle ne peut être saisie qu’en vertu d’un décret du Président de la
République. Art. 55 – Un sénatus-consulte déterminera l’organisation de cette haute
cour. Titre VIII Dispositions
générales et transitoires Art. 56 – Les dispositions
des codes, lois et règlements existants, qui ne sont, pas contraires à la
présente Constitution, restent en vigueur jusqu’à ce qu’il y soit légalement
dérogé. Art. 57 – Une loi déterminera
l’organisation municipale. Les maires seront nommés par le Pouvoir exécutif, et
pourront être pris hors du conseil municipal. Art. 58 – La présente
Constitution sera en vigueur à dater du jour où les grands Corps de l’État
qu’elle organise seront constitués – Les décrets rendus par le Président de la
République, à partir du 2 décembre jusqu’à cette époque, auront force de loi. FONTE: C. Debbash et J. M.
Pontier, Les Constitutions de la France,
Dalloz, Paris 1989, pp. 165-175. |
Download in formato Word |