CHARTE
CONSTITUTIONNELLE DU 4 NOVEMBRE 1848 Au nom du peuple français, L’Assemblée nationale a adopté,
et, conformément à l’article 6 du décret du 28
octobre 1848, le Président de l’Assemblée
nationale promulgue la Constitution dont
la teneur suit: Préambule En présence de Dieu et au
nom du Peuple français, l’Assemblée nationale proclame: I – La France s’est constituée en République. En adoptant cette
forme définitive de gouvernement, elle s’est
proposée pour but de marcher plus librement dans la voie du progrès et de la
civilisation, d’assurer une répartition de plus
en plus équitable des charges et des avantages de la société, d’augmenter l’aisance
de chacun par la réduction graduée des dépenses publiques et des impôts, et de
faire parvenir tous les citoyens, sans nouvelle commotion, par l’action successive et constante des institutions et
des lois, à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumières et de
bien-être. II – La République
française est démocratique, une et indivisible. III – Elle reconnaît des
droits et des devoirs antérieurs et supérieurs aux lois positives. IV – Elle a pour principe
la Liberté, l’Egalité et la Fraternité. Elle a
pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l’Ordre
public. V – Elle respecte les
nationalités étrangères, comme elle entend faire respecter la sienne; n’entreprend
aucune guerre dans des vues de conquête, et n’emploie
jamais ses forces contre la liberté d’aucun
peuple. VI – Des devoirs
réciproques obligent les citoyens envers la République, et la République envers
les citoyens. VII – Les citoyens doivent
aimer la Patrie, servir la République, la défendre au prix de leur vie,
participer aux charges de l’État en
proportion de leur fortune; ils doivent s’assurer, par le travail, des moyens d’existence, et, par la prévoyance, des ressources
pour l’avenir; ils
doivent concourir au bien-être commun en s’entraidant
fraternellement les uns les autres, et à l’ordre
général en observant les lois morales et les lois écrites qui régissent la
société, la famille et l’individu. VIII – La République doit protéger le citoyen dans sa
personne, sa famille, sa religion, sa propriété, son travail, et mettre à la
portée de chacun l’instruction indispensable à tous
les hommes; elle doit, par une assistance
fraternelle, assurer l’existence des
citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses
ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui
sont hors d’état de travailler – En vue de l’accomplissement
de tous ces devoirs, et pour la garantie de tous ces droits, l’Assemblée nationale, fidèle aux traditions des
grandes Assemblées qui ont inauguré la Révolution française, décrète, ainsi qu’il suit, la Constitution de la République. CONSTITUTION Chapitre
premier DE LA
SOUVERAINETÉ Art. 1er – La souveraineté réside dans l’universalité des citoyens français – Elle est inaliénable et imprescriptible – Aucun individu, aucune fraction du peuple ne peut
s’en attribuer l’exercice. Chapitre II Droits des
citoyens garantis par la constitution Art. 2 – Nul ne peut être arrêté ou détenu que suivant les
prescriptions de la loi. Art. 3 – La demeure de toute personne habitant le
territoire français est inviolable; il n’est permis d’y
pénétrer que selon les formes et dans les cas prévus par la loi. Art. 4 – Nul ne sera distrait de ses juges naturels – Il ne pourra être créé de commissions et de
tribunaux extraordinaires, à quelque titre et sous quelque dénomination que ce
soit. Art. 5 – La peine de mort est abolie en matière politique. Art. 6 – L’esclavage ne
peut exister sur aucune terre française. Art. 7 – Chacun professe librement sa religion, et reçoit
de l’État, pour l’exercice
de son culte, une égale protection – Les
ministres, soit des cultes actuellement reconnus par la loi, soit de ceux qui
seraient reconnus à l’avenir, ont le droit de recevoir
un traitement de l’État. Art. 8 – Les citoyens ont le droit de s’associer, de s’assembler
paisiblement et sans armes, de pétitionner, de manifester leurs pensées par la
voie de la presse ou autrement – L’exercice de ces droits n’a pour limites que les droits ou la liberté d’autrui et la sécurité publique – La presse ne peut, en aucun cas, être soumise à la
censure. Art. 9 – L’enseignement
est libre
– La liberté d’enseignement s’exerce
selon les conditions de capacité et de moralité déterminées par les lois, et
sous la surveillance de l’État – Cette surveillance s’étend à
tous les établissements d’éducation et d’enseignement, sans aucune exception. Art. 10 – Tous les citoyens sont également admissibles à
tous les emplois publics, sans autre motif de préférence que leur mérite, et
suivant les conditions qui seront fixées par les lois – Sont abolis à toujours tout titre nobiliaire,
toute distinction de naissance, de classe ou de caste. Art. 11 – Toutes les propriétés sont inviolables. Néanmoins
l’État peut exiger le sacrifice d’une propriété pour cause d’utilité publique légalement constatée, et
moyennant une juste et préalable indemnité. Art. 12 – La confiscation des biens ne pourra jamais être
rétablie. Art. 13 – La Constitution garantit aux citoyens la liberté
du travail et de l’industrie. La société favorise
et encourage le développement du travail par l’enseignement
primaire gratuit, l’éducation professionnelle, l’égalité de rapports, entre le patron et l’ouvrier, les institutions de prévoyance et de
crédit, les institutions agricoles, les associations volontaires, et l’établissement, par l’État,
les départements et les communes, de travaux publics propres à employer les
bras inoccupés; elle fournit l’assistance aux enfants abandonnés, aux infirmes et
aux vieillards sans ressources, et que leurs familles ne peuvent secourir. Art. 14 – La dette publique est garantie – Toute espèce d’engagement
pris par l’État avec ses créanciers est
inviolable. Art. 15 – Tout impôt est établi pour l’utilité commune – Chacun
y contribue en proportion de ses facultés et de sa fortune. Art. 16 – Aucun impôt ne peut être établi ni perçu qu’en vertu de la loi. Art. 17 – L’impôt direct n’est consenti que pour un an – Les impositions indirectes peuvent être consenties
pour plusieurs années. Chapitre III Des pouvoirs
publics Art. 18 – Tous les pouvoirs publics, quels qu’ils soient, émanent du peuple – Ils ne peuvent être délégués héréditairement. Art. 19 – La séparation des pouvoirs est la première
condition d’un gouvernement libre. Chapitre IV Du pouvoir
législatif Art. 20 – Le peuple français délègue le pouvoir législatif à
une Assemblée unique. Art. 21 – Le nombre total des représentants du peuple sera
de sept cent cinquante, y compris les représentants de l’Algérie et des colonies françaises. Art. 22 – Ce nombre s’élèvera
à neuf cents pour les Assemblées qui seront appelées à réviser la Constitution. Art. 23 – L’élection a
pour base la population. Art. 24 – Le suffrage est direct et universel. Le scrutin
est secret. Art. 25 – Sont électeurs, sans condition de cens, tous les
Français âgés de vingt et un ans, et jouissant de leurs droits civils et
politiques. Art. 26 – Sont éligibles, sans condition de domicile, tous
les électeurs âgés de vingt-cinq ans. Art. 27 – La loi électorale déterminera les causes qui
peuvent priver un citoyen français du droit d’élire et
d’être élu – Elle
désignera les citoyens qui, exerçant ou ayant exercé des fonctions dans un
département ou un ressort territorial, ne pourront y être élus. Art. 28 – Toute fonction publique rétribuée est incompatible
avec le mandat de représentant du peuple – Aucun
membre de l’Assemblée nationale ne peut,
pendant la durée de la législature, être nommé ou promu à des fonctions
publiques salariées dont les titulaires sont choisis à volonté par le pouvoir
exécutif –
Les exceptions aux dispositions des
deux paragraphes précédents seront déterminés par la loi électorale organique. Art. 29 – Les dispositions de l’article précédent ne sont pas applicables aux
assemblées élues pour la révision de la Constitution. Art. 30 – L’élection des
représentants se fera par département, et au scrutin de liste – Les électeurs voteront au chef-lieu du canton; néanmoins, en raison des circonstances locales,
le canton pourra être divisé en plusieurs circonscriptions, dans la forme et
aux conditions qui seront déterminées par la loi électorale. Art. 31 – L’Assemblée
nationale est élue pour trois ans, et se renouvelle intégralement – Quarante-cinq jours au plus tard avant la fin de
la législature, une loi détermine l’époque
des nouvelles élections – Si aucune
loi n’est intervenue dans le délai fixé par le
paragraphe précédent, les électeurs se réunissent de plein droit le trentième
jour qui précède la fin de la législature – La
nouvelle Assemblée est convoquée de plein droit pour le lendemain du jour où
finit le mandat de l’Assemblée précédente. Art. 32 – Elle est permanente – Néanmoins,
elle peut s’ajourner à un terme qu’elle fixe – Pendant
la durée de la prorogation, une commission, composée des membres du bureau et
de vingt-cinq représentants nommés par l’Assemblée
au scrutin secret et à la majorité absolue, a le droit de la convoquer en cas d’urgence – Le
président de la République a aussi le droit de convoquer l’Assemblée – L’Assemblée nationale détermine le lieu de ses
séances – Elle fixe l’importance
des forces militaires établies pour sa sûreté, et elle en dispose. Art. 33 – Les représentants sont toujours rééligibles. Art. 34 – Les membres de l’Assemblée
nationale sont les représentants, non du département qui les nomme, mais de la
France entière. Art. 35 – Ils ne peuvent recevoir de mandat impératif. Art. 36 – Les représentants du peuple sont inviolables – Ils ne pourront être recherchés, accusés, ni
jugés, en aucun temps, pour les opinions qu’ils
auront émises dans le sein de l’Assemblée
nationale. Art. 37 – Ils ne peuvent être arrêtés en matière criminelle,
sauf le cas de flagrant délit, ni poursuivis qu’après
que l’Assemblée a permis la poursuite – En cas d’arrestation
pour flagrant délit, il en sera immédiatement référé à l’Assemblée, qui autorisera ou refusera la
continuation des poursuites. Cette disposition s’applique
au cas où un citoyen détenu est nommé représentant. Art. 38 – Chaque représentant du peuple reçoit une
indemnité, à laquelle il ne peut renoncer. Art. 39 – Les séances de l’Assemblée
sont publiques – Néanmoins, l’Assemblée peut se former en comité secret, sur la
demande du nombre de représentants fixé par le règlement – Chaque représentant a le droit d’initiative parlementaire; il l’exercera
selon les formes déterminées par le règlement. Art. 40 – La présence de la moitié plus un des membres de l’Assemblée est nécessaire pour la validité du vote
des lois. Art. 41 – Aucun projet de loi, sauf les cas d’urgence, ne sera voté définitivement qu’après trois délibérations, à des intervalles qui
ne peuvent pas être moindres de cinq jours. Art. 42 – Toute proposition ayant pour objet de déclarer l’urgence est précédée d’un exposé des motifs – Si l’Assemblée est d’avis de
donner suite à la proposition d’urgence, elle
en ordonne le renvoi dans les bureaux et fixe le moment où le rapport sur l’urgence lui sera présenté – Sur ce rapport, si l’Assemblée
reconnaît l’urgence, elle le déclare, et
fixe le moment de la discussion – Si elle
décide qu’il n’y a pas
urgence, le projet suit le cours des propositions ordinaires. Chapitre V Du pouvoir
exécutif Art. 43 – Le peuple français délègue le Pouvoir exécutif à
un citoyen qui reçoit le titre de Président de la République. Art. 44 – Le Président doit être né Français, âgé de trente
ans au moins, et n’avoir jamais perdu la qualité de
Français. Art. 45 – Le Président de la République est élu pour quatre
ans, et n’est rééligible qu’après un
intervalle de quatre années – Ne peuvent,
non plus, être élus après lui, dans le même intervalle, ni le Vice-Président,
ni aucun des parents ou alliés du président jusqu’au
sixième degré inclusivement. Art. 46 – L’élection a
lieu de plein droit le deuxième dimanche du mois de mai – Dans le cas où, par suite de décès, de démission
ou de toute autre cause, le Président serait élu à une autre époque, ses
pouvoirs expireront le deuxième dimanche du mois de mai de la quatrième année
qui suivra son élection – Le Président
est nommé, au scrutin secret et à la majorité absolue des votants, par le
suffrage direct de tous les électeurs des départements français et de l’Algérie. Art. 47 – Les procès-verbaux des opérations électorales sont
transmis immédiatement à l’Assemblée nationale,
qui statue sans délai sur la validité de l’élection
et proclame le Président de la République – Si
aucun candidat n’a obtenu plus de la moitié des
suffrages exprimés, et au moins deux millions de voix, ou si les conditions
exigées par l’article 44 ne sont pas remplies,
l’Assemblée nationale élit le Président de la
République, à la majorité absolue et au scrutin secret, parmi les cinq
candidats éligibles qui ont obtenu le plus de voix. Art. 48 – Avant d’entrer
en fonctions, le Président de la République prête au sein de l’Assemblée nationale le serment dont la teneur suit: – En présence de Dieu et devant le Peuple
français, représenté par l’Assemblée
nationale, je jure de rester fidèle à la République démocratique, une et
indivisible, et de remplir tous les devoirs que m’impose la Constitution. Art. 49 – Il a le droit de faire présenter des projets de
loi à l’Assemblée nationale par les ministres – Il surveille et assure l’exécution des lois. Art. 50 – Il dispose de la force armée, sans pouvoir jamais
la commander en personne. Art. 51 – Il ne peut céder aucune portion du territoire, ni
dissoudre ni proroger l’Assemblée
nationale, ni suspendre, en aucune manière, l’empire
de la Constitution et des lois. Art. 52 – Il présente, chaque année, par un message, à l’Assemblée nationale, l’exposé de l’état
général des affaires de la République. Art. 53 – Il négocie et ratifie les traités – Aucun traité n’est
définitif qu’après avoir été approuvé par l’Assemblée nationale. Art. 54 – Il veille à la défense de l’État, mais il ne peut entreprendre aucune guerre
sans le consentement de l’Assemblée
nationale. Art. 55 – Il a le droit de faire grâce, mais il ne peut
exercer ce droit qu’après avoir pris l’avis du Conseil d’État – Les amnisties ne peuvent être accordées que par
une loi – Le Président de la République, les ministres,
ainsi que toutes autres personnes condamnées par la Haute Cour de justice, ne
peuvent être graciés que par l’Assemblée
nationale. Art. 56 – Le Président de la République promulgue les lois
au nom du peuple français. Art. 57 – Les lois d’urgence
sont promulguées dans le délai de trois jours, et les autres lois dans le délai
d’un mois, à partir du jour où elles auront été
adoptées par l’Assemblée nationale. Art. 58 – Dans le délai fixé pour la promulgation, le
président de la République peut, par un message motivé, demander une nouvelle
délibération – L’Assemblée délibère: sa
résolution devient définitive; elle est
transmise au Président de la République – En ce
cas, la promulgation a lieu dans le délai fixé pour les lois d’urgence. Art. 59 – A défaut de promulgation par le président de la
République, dans les délais déterminés par les articles précédents, il y serait
pourvu par le Président de l’Assemblée
nationale. Art. 60 – Les envoyés et les ambassadeurs des puissances
étrangères sont accrédités auprès du Président de la République. Art. 61 – Il préside aux solennités nationales. Art. 62 – Il est logé aux frais de la République, et reçoit
un traitement de six cent mille francs par an. Art. 63 – Il réside au lieu où siège l’Assemblée nationale, et ne peut sortir du
territoire continental de la République sans y être autorisé par une loi. Art. 64 – Le Président de la République nomme et révoque les
ministres
– Il nomme et révoque, en Conseil des
Ministres, les agents diplomatiques, les commandants en chef des armées de
terre et de mer, les préfets, le commandant supérieur des gardes nationales de
la Seine, les gouverneurs de l’Algérie et des
colonies, les procureurs généraux et autres fonctionnaires d’un ordre supérieurs – Il
nomme et révoque, sur la proposition du ministre compétent, dans les conditions
réglementaires déterminées par la loi, les agents secondaires du Gouvernement. Art. 65 – Il a le droit de suspendre, pour un terme qui ne
pourra excéder trois mois, les agents du pouvoir exécutif élus par les citoyens – Il ne peut les révoquer que de l’avis du Conseil d’État – La loi détermine les cas où les agents révoqués
peuvent être déclarés inéligibles aux mêmes fonctions – Cette déclaration d’inéligibilité
ne pourra être prononcée que par un jugement. Art. 66 – Le nombre des ministres et leurs attributions sont
fixés par le pouvoir législatif. Art. 67 – Les actes du président de la République, autres
que ceux par lesquels il nomme et révoque les ministres, n’ont d’effet
que s’ils sont contresignés par un ministre. Art. 68 – Le Président de la République, les ministres, les
agents et dépositaires de l’autorité
publique, sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de tous les actes du
Gouvernement et de l’administration – Toute mesure par laquelle le Président de la
République dissout l’Assemblée nationale, la proroge
ou met obstacle à l’exercice de son mandat, est un
crime de haute trahison – Par ce seul
fait, le président est déchu de ses fonctions; les
citoyens sont tenus de lui refuser obéissance; le
pouvoir exécutif passe de plein droit à l’Assemblée
nationale. Les juges de la Haute Cour de justice se réunissent immédiatement à
peine de forfaiture: ils convoquent les jurés dans
le lieu qu’ils désignent, pour procéder au
jugement du président et de ses complices; ils
nomment eux-mêmes les magistrats chargés de remplir les fonctions du ministère
public – Une loi déterminera les autres cas de
responsabilité, ainsi que les formes et les conditions de la poursuite. Art. 69 – Les ministres ont entrée dans le sein de l’Assemblée nationale; ils
sont entendus toutes les fois qu’ils le
demandent, et peuvent se faire assister par des commissaires nommés par un
décret du Président de la République. Art. 70 – Il y a un Vice-Président de la République nommé
par l’Assemblée nationale, sur la présentation de trois
candidats faite par le président dans le mois qui suit son élection – Le Vice-Président prête le même serment que le
président
– Le Vice-Président ne pourra être
choisi parmi les parents et alliés du président jusqu’au sixième degré inclusivement – En cas d’empêchement
du président, le vice-président le remplace – Si la
présidence devient vacante, par décès, démission du Président, ou autrement, il
est procédé, dans le mois, à l’élection d’un Président. Chapitre VI Du conseil d’état Art. 71 – Il y aura un Conseil d’État, dont le Vice-Président de la République sera
de droit Président. Art. 72 – Les membres de ce Conseil sont nommés pour six ans
par l’Assemblée nationale. Ils sont renouvelés par
moitié, dans les deux premiers mois de chaque législature, au scrutin secret et
à la majorité absolue – Ils sont indéfiniment
rééligibles. Art. 73 – Ceux des membres du Conseil d’État qui auront été pris dans le sein de l’Assemblée nationale seront immédiatement remplacés
comme représentants du peuple. Art. 74 – Les membres du Conseil d’État ne peuvent être révoqués que par l’Assemblée, et sur la proposition du Président de
la République. Art. 75 – Le Conseil d’État est
consulté sur les projets de loi du Gouvernement qui, d’après la loi, devront être soumis à son examen
préalable, et sur les projets d’initiative
parlementaire que l’Assemblée lui aura renvoyés – Il prépare les règlements d’administration publique; il fait seul ceux de ces règlements à l’égard desquels l’Assemblée
nationale lui a donné une délégation spéciale – Il
exerce, à l’égard des administrations
publiques, tous les pouvoirs de contrôle et de surveillance qui lui sont
déférés par la loi – La loi règlera ses autres
attributions. Chapitre VII De l’administration intérieure Art. 76 – La division du territoire en départements,
arrondissements, cantons et communes est maintenue. Les circonscriptions
actuelles ne pourront être changées que par la loi. Art. 77 – Il y a: 1° Dans
chaque département, une administration composée d’un
préfet, d’un conseil général, d’un conseil de préfecture; 2° Dans chaque arrondissement, un sous-préfet; 3° Dans chaque canton, un conseil cantonal; néanmoins, un seul conseil cantonal sera établi
dans les villes divisées en plusieurs cantons; 4° Dans
chaque commune, une administration, composée d’un
maire, d’adjoints et d’un
conseil municipal. Art. 78 – Une loi déterminera la composition et les
attributions des conseils généraux, des conseils cantonaux, des conseils
municipaux, et le mode de nomination des maires et des adjoints. Art. 79 – Les conseils généraux et les conseils municipaux
sont élus par le suffrage direct de tous les citoyens domiciliés dans le
département ou dans la commune. Chaque canton élit un membre du conseil général – Une loi spéciale réglera le mode d’élection dans le département de la Seine, dans la
ville de Paris et dans les villes de plus de vingt mille âmes. Art. 80 – Les conseils généraux, les conseils cantonaux et
les conseils municipaux peuvent être dissous par le Président de la République,
de l’avis du Conseil d’État – La loi fixera le délai dans lequel il sera procédé
à la réélection. Chapitre VIII Du pouvoir
judiciaire Art. 81 – La justice est rendue
gratuitement au nom du peuple français – Les débats sont publics, à moins que
la publicité ne soit dangereuse pour l’ordre ou
les moeurs; et, dans ce cas, le tribunal le
déclare par un jugement. Art. 82 – Le jury continuera d’être appliqué en matière criminelle. Art. 83 – La connaissance de tous
les délits politiques et de tous les délits commis par la voie de la presse
appartient exclusivement au jury – Les lois organiques détermineront la
compétence en matière de délits d’injures et de
diffamation contre les particuliers. Art. 84 – Le jury statue seul sur
les dommages-intérêts réclamés pour faits ou délits de presse. Art. 85 – Les juges de paix et
leurs suppléants, les juges de première instance et d’appel, les membres de la Cour de cassation et de la
Cour des comptes, sont nommés par le Président de la République, d’après un ordre de candidature ou d’après les conditions qui seront réglées par les
lois organiques. Art. 86 – Les magistrats du
ministère public sont nommés par le Président de la République. Art. 87 – Les juges de première
instance et d’appel, les membres de la Cour de
cassation, et de la Cour des comptes, sont nommés à vie – Ils ne peuvent être
révoqués ou suspendus que par un jugement, ni mis à la retraite que pour les
causes et dans les formes déterminées par les lois. Art. 88 – Les conseils de guerre
et de révision des armées de terre et de mer, les tribunaux maritimes, les
tribunaux de commerce, les prud’hommes et
autres tribunaux spéciaux, conservent leur organisation et leurs attributions
actuelles jusqu’à ce qu’il y ait été dérogé par une loi. Art. 89 – Les conflits d’attributions entre l’autorité
administrative et l’autorité judiciaire seront
réglés par un tribunal spécial de membres de la Cour de cassation et de
conseillers d’État, désignés tous les trois
ans en nombre égal par leur corps respectif – Ce tribunal sera présidé par le
ministre de la Justice. Art. 90 – Les recours pour
incompétence et excès de pouvoirs contre les arrêts de la Cour des comptes
seront portés devant la juridiction des conflits. Art. 91 – Une Haute Cour de
justice juge, sans appel ni recours en cassation, les accusations portées par l’Assemblée nationale contre le Président de la
République ou les ministres – Elle juge également toutes personnes prévenues de
crimes, attentats ou complots contre la sûreté intérieure ou extérieure de l’État, que l’Assemblée
nationale aura renvoyées devant elle – Sauf le cas prévu par l’article 68, elle ne peut être saisie qu’en vertu d’un
décret de l’Assemblée nationale, qui désigne
la ville où la Cour tiendra ses séances. Art. 92 – La Haute Cour est
composée de cinq juges et de trente-six jurés – Chaque année, dans les quinze
premiers jours du mois de novembre, la Cour de cassation nomme, parmi ses
membres, au scrutin secret et à la majorité absolue, les juges de la Haute
Cour, au nombre de cinq, et deux suppléants. Les cinq juges appelés à siéger
feront choix de leur président – Les magistrats remplissant les fonctions du
ministère public sont désignés par le Président de la République, et, en cas d’accusation du Président ou des ministres, par l’Assemblée nationale – Les jurés, au nombre de
trente-six, et quatre jurés suppléants, sont pris parmi les membres des
conseils généraux des départements – Les représentants du peuple n’en peuvent faire partie. Art. 93 – Lorsqu’un décret de l’Assemblée
nationale a ordonné la formation de la Haute Cour de justice, et, dans le cas
prévu par l’article 68, sur la réquisition
du président ou de l’un des juges, le président de la
cour d’appel et, à défaut de cour d’appel, le président du tribunal de première
instance du chef-lieu judiciaire du département, tire au sort, en audience
publique, le nom d’un membre du conseil général. Art. 94 – Au jour indiqué pour le
jugement, s’il y a moins de soixante jurés
présents, ce nombre sera complété par des jurés supplémentaires tirés au sort,
par le président de la Haute Cour parmi les membres du conseil général du
département où siégera la Cour. Art. 95 – Les jurés qui n’auront pas produit d’excuse
valable seront condamnés à une amende de mille à dix mille francs, et à la
privation des droits politiques pendant cinq ans au plus. Art. 96 – L’accusé et le ministère public exercent le droit de
récusation comme en matière ordinaire. Art. 97 – La déclaration du jury
portant que l’accusé est coupable ne peut être
rendue qu’à la majorité des deux tiers des voix. Art. 98 – Dans tous les cas de
responsabilités des ministres, l’Assemblée
nationale peut, selon les circonstances, renvoyer le ministre inculpé, soit devant
la Haute Cour de justice, soit devant les tribunaux ordinaires, pour les
réparations civiles. Art. 99 – L’Assemblée nationale et le Président de la
République peuvent, dans tous les cas, déférer l’examen
des actes de tout fonctionnaire, autre que le Président de la République, au
Conseil d’État, dont le rapport est rendu public. Art. 100 – Le Président de la
République n’est justiciable que de la Haute
Cour de justice – Il ne peut, à l’exception du
cas prévu par l’article 68, être poursuivi que
sur l’accusation portée par l’Assemblée nationale, et pour crimes et délits qui
seront déterminés par la loi. Chapitre IX De la force
publique Art. 101 – La force
publique est instituée pour défendre l’État
contre les ennemis du dehors, et pour assurer au-dedans le maintien de l’ordre et l’exécution
des lois – Elle se compose de la garde nationale et de l’armée de terre et de mer. Art. 102 – Tout Français, sauf
les exceptions fixées par la loi, doit le service militaire et celui de la
garde nationale – La faculté pour chaque citoyen de se libérer du service
militaire personnel sera réglée par la loi du recrutement. Art. 103 – L’organisation de la garde nationale et la
Constitution de l’armée seront réglées par la loi. Art. 104 – La force publique est
essentiellement obéissante – Nul corps armé ne peut délibérer. Art. 105 – La force publique,
employée pour maintenir l’ordre à l’intérieur, n’agit que
sur la réquisition des autorités constituées, suivant les règles déterminées
par le pouvoir législatif. Art. 106 – Une loi déterminera
les cas dans lesquels l’état de siège
pourra être déclaré, et réglera les formes et les effets de cette mesure. Art. 107 – Aucune troupe
étrangère ne peut être introduite sur le territoire français sans le
consentement préalable de l’Assemblée
nationale. Chapitre X Dispositions
particulieres Art. 108 – La Légion d’honneur est maintenue; ses statuts seront révisés et mis en harmonie
avec la Constitution. Art. 109 – Le territoire de l’Algérie et des colonies est déclaré territoire
français, et sera régi par des lois particulières jusqu’à ce qu’une loi
spéciale les place sous le régime de la présente Constitution. Art. 110 – L’Assemblée nationale confie le dépôt de la présente
Constitution, et des droits qu’elle consacre,
à la garde et au patriotisme de tous les Français. Chapitre XI Da la révision
de la constitution Art. 111 – Lorsque, dans
la dernière année d’une législature, l’Assemblée nationale aura émis le voeu que la
Constitution soit modifiée en tout ou en partie, il sera procédé à cette
révision de la manière suivante: – Le voeu exprimé par l’Assemblée ne sera converti en résolution
définitive qu’après trois délibérations
consécutives, prises chacune à un mois d’intervalle
et aux trois quarts des suffrages exprimés. Le nombre des votants devra être de
cinq cents au moins – L’Assemblée de
révision ne sera nommée que pour trois mois – Elle ne devra s’occuper que de la révision pour laquelle elle aura
été convoquée – Néanmoins, elle pourra, en cas d’urgence,
pourvoir aux nécessités législatives. Chapitre XII Dispositions
transitoires Art. 112 – Les
dispositions des codes, lois et règlements existants qui ne sont pas contraires
à la présente Constitution, restent en vigueur jusqu’à ce qu’il y
soit légalement dérogé. Art. 113 – Toutes les autorités
constituées par les lois actuelles demeurent en exercice jusqu’à la promulgation des lois organiques qui les
concernent. Art. 114 – La loi d’organisation judiciaire déterminera le mode
spécial de nomination pour la première composition des nouveaux tribunaux. Art. 115 – Après le vote de la
Constitution, il sera procédé, par l’Assemblée
nationale constituante, à la rédaction des lois organiques dont l’énumération sera déterminée par une loi spéciale. Art. 116 – Il sera procédé à la
première élection du président de la République conformément à la loi spéciale
rendue par l’Assemblée nationale le 28
octobre 1848. FONTE: C. Debbash et J. M.
Pontier, Les Constitutions de la France,
Dalloz, Paris 1989, pp. 143-156. |
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