ALBANIA

CONSTITUTION DU 1ER DÉCEMBRE 1928 (1)

 

 

La nation albanaise, libre et fière, confiante dans un avenir heureux, fermement désireuse de consolider à jamais l’union nationale et l’évolution pacifique de la patrie et le bien-être général du peuple, tout en respectant les traditions historiques qui assureront indubitablement à la génération future le progrès légitime, a délibéré et voté, dans la seconde Assemblée constituante, à la date du 1er décembre 1928, le Statut qui suit.

 

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

 

Art. 1er – L’Albanie est une monarchie démocratique, parlementaire et héréditaire.

Art. 2 – L’Albanie est indépendante et indivisible; son intégrité territoriale est inviolable, et son territoire ne peut être cédé.

Art. 3 – Le drapeau albanais est rouge et porte en son milieu un aigle noir à deux têtes.

Art. 4 – La langue officielle de l’État est l’albanais.

Art. 5 – Il n’y a pas de religion officielle. Toutes les religions et croyances sont respectées; la liberté du culte et le libre exercice de sa pratique extérieure sont garantis.

La religion ne peut d’aucune manière fonder une incapacité juridique.

La religion et la croyance ne doivent d’aucune façon être employées à des fins politiques.

Art. 6 – La capitale de l’Albanie est Tirana.

 

TITRE II

LES POUVOIRS D’ÉTAT

 

Art. 7 – Tous les pouvoirs émanent de la nation et sont exercés selon les principes et les règles de la présente Constitution.

Art. 8 – Le pouvoir législatif est exercé conjointement par le roi et le Parlement lequel est composé d’une Chambre.

Art. 9 – L’initiative des lois appartient au roi et au Parlement.

Toutefois les propositions de loi comportant une augmentation de dépenses émanent du roi.

Art. 10 – L’interprétation authentique des lois appartient au pouvoir législatif.

Art. 11 – Toute loi, pour devenir exécutoire, doit avoir été votée par le Parlement et sanctionnée par le roi.

Art. 12 – Aucune loi ne peut être présentée au roi, à fin de sanction, si elle n’a été régulièrement votée par le Parlement.

Les lois ne peuvent être abrogées, modifiées ou suspendues que par une nouvelle loi.

Art. 13 – Le pouvoir exécutif appartient au roi, lequel l’exerce conformément aux dispositions établies par la présente Constitution.

Art. 14 – Le pouvoir judiciaire est exercé par les tribunaux; leurs sentences, motivées d’après la loi, sont émises et exécutées au nom du roi.

 

Chapitre premier

LE POUVOIR LÉGISLATIF

 

Art. 15 – Le Parlement est composé de députés élus par le peuple conformément à la loi.

Art. 16 – Il y a un député élu par 15.000 âmes ou fraction supérieure à 7.500.

Art. 17 – Le Parlement est élu pour une période de quatre années.

Art. 18 – Le député est le représentant de l’ensemble de la nation, et non point seulement de la circonscription qui l’a élu.

Art. 19 – Les conditions de l’électorat sont établies par la loi électorale.

Art. 20 – Pour être élu député, il faut remplir les conditions suivantes a) être citoyen albanais; b) avoir trente ans accomplis; c) jouir des droits civils et politiques; d) savoir lire et écrire la langue albanaise; e) n’encourir en aucune façon les empêchements déterminés à la loi électorale.

Art. 21 – La qualité de député est incompatible avec toute autre fonction rétribuée par l’État, hormis celle de ministre; elle l’est pareillement avec tout emploi communal et toute charge religieuse impliquant fonction juridictionnelle.

Un député ne peut participer aux travaux du Parlement en vêtements de travail.

Un député ne peut prendre à bail une propriété immobilière de l’État, ni prendre l’entreprise de fournitures militaires ou de travaux publics. De même, il ne peut prendre à ferme le recouvrement des impôts de l’État.

Art. 22 – Le député ne peut recevoir de ses électeurs aucun mandat impératif.

Art. 23 – Les députés ont droit à une indemnité de 8.400 francs-or par an, cette somme pouvant être modifiée par une loi.

Art. 24 – Les députés ne peuvent être tenus pour responsables des idées exprimées et des votes émis par eux au Parlement.

Art. 25 – Durant la session parlementaire les députés ne peuvent être emprisonnés pour dettes; s’ils l’ont été, ils doivent, à l’ouverture de la session, être sans autre procédure remis en liberté.

Art. 26 – Les députés, durant la session parlementaire, ne peuvent être cités en justice ni arrêtés pour délit pénal (de droit commun ou politique) sans l’autorisation du Parlement, à moins qu’ils n’aient été pris en flagrant délit; auquel cas les autorités judiciaires sont obligées d’informer le Parlement dans les vingt-quatre heures par l’intermédiaire du ministre de la justice.

Art. 27 – Les condamnations pénales, qui viendraient à être rendues contre un député, ne sont pas exécutoires durant la session parlementaire; toutefois celle-ci ne doit pas être computée dans l’exécution de la peine.

Art. 28 – Sauf les cas extraordinaires spécifiés au présent statut, le Parlement se réunit de plein droit, chaque année, en une session de cinq mois, laquelle commence au 15 octobre et finit au 15 mars, mais ne peut être close avant que n’ait été voté le budget de l’État.

La session est close par décret royal.

Art. 29 – Le Parlement procède à la vérification des pouvoirs et des qualités requises des députés; il en juge et délibère selon les dispositions du règlement intérieur.

Lés délibérations sur l’annulation d’une élection pour cause d’illégalité, et celles aussi tendant à la non admission d’un député pour défaut des qualités requises par la loi, doivent, pour être valides, réunir au moins les deux tiers des voix des députés présents à la séance où elles ont lieu.

Art. 30 – Les députés, avant d’entrer en fonctions, doivent prêter serment selon la formule suivante: «Je jure solennellement, au nom de Dieu, que, comme député de l’Albanie, je serai fidèle à la constitution et travaillerai avec conscience et honneur uniquement en vue du bien de l’État!».

Art. 31 – Le député qui, sans autorisation du Parlement, manque durant deux mois consécutifs d’assister aux séances est considéré comme déchu de son mandat.

Art. 32 –  Au début de chaque législature, comme aussi à l’ouverture de toute session ordinaire, le Parlement élit dans son sein le président, le vice-président et les membres du bureau, selon les dispositions du règlement intérieur.

Art. 33 – L’administration des offices intérieurs du Parlement doit être exercée selon son propre règlement, le budget du Parlement proposé par la présidence et régulièrement voté par l’assemblée.

Art. 34 – Dans le cas ou, pour quelque raison, un siège de député devient vacant, l’élection d’un nouveau député au siège vacant doit avoir lieu dans les deux mois de la vacance, et au plus tôt dans le délai d’un mois.

Art. 35 – A la fin de la législature, et dans le cas aussi de dissolution du Parlement, le pouvoir exécutif doit ordonner les nouvelles élections dans les deux semaines à compter du jour de la dispersion; les élections doivent avoir plus tard dans les deux mois et demi, et au plus tôt dans le mois à compter de la date du décret qui les ordonne.

Art. 36 – Le Parlement élu se réunit de plein droit dix jours après les élections. Lorsque cette réunion coïncide avec la session ordinaire, elle se poursuit jusqu’à la fin du temps légal; au cas contraire, elle prend le nom d’extraordinaire, s’occupe exclusivement de vérifier les pouvoirs de ses membres, et, après avoir élu son bureau et voté la confiance au gouvernement, s’ajourne (scoglie) jusqu’au début de la session ordinaire.

Au cas où les nouvelles élections ne sont pas achevées un mois avant le début de la session ordinaire, le nouveau Parlement se réunit au jour fixé pour l’ouverture de la session.

Art. 37 – Le Parlement se réunit aussi en session extraordinaire, quand il est convoqué par le roi. En de semblables sessions il n’y a d’autre discussion que celle des questions fixées par le pouvoir exécutif dans le décret de convocation.

Art. 38 – Les réunions et discussions parlementaires ont lieu publiquement et en conformité du règlement intérieur.

Les discussions doivent être publiées régulièrement en fascicules spéciaux.

Art. 39 – Le Parlement peut discuter aussi en séance secrète, à la demande des ministres, et sur celle aussi de cinq députés approuvés par la majorité en séance secrète. Pour pareille séance la salle du Parlement doit être évacuée par tous ceux qui ne sont pas députés.

Art. 40 – Le Parlement ne peut discuter et décider hors la présence de la moitié de ses membres.

Art. 41 – Toutes les délibérations sont prises à la majorité absolue des présents, hors le cas ou le présent Statut en dispose autrement. A égalité de voix celle du président est prépondérante.

Les scrutins pour l’élection des personnes, s’ils ne groupent pas au premier tour la majorité absolue des députés réunis, ont lieu au second tour à la majorité relative.

Art. 42 – Les lois doivent être, au premier tour, votées d’ensemble et, au second, discutées article par article en trois jours. Les Codes, présentés par le gouvernement et proposés par une commission spéciale créée par une loi, après avoir été approuvés en principe, doivent être votés en bloc dans deux séances tenues à des jours différents; quand le Parlement y juge quelque modification nécessaire, il en doit référer à la commission spéciale par l’intermédiaire du gouvernement.

Les lois qu’une délibération du Parlement déclare urgentes doivent être votées selon le règlement intérieur.

Art. 43 – Le Parlement est inviolable; nulle force armée ne peut l’entourer ni y pénétrer sans son agrément, exception faite pour la garde qui est sous les ordres exclusifs du président du Parlement.

Art. 44 – Toute loi votée au Parlement sera présentée au pouvoir exécutif aux fins de sanction et de publication.

La publication aura lieu, le samedi, deux semaines après la sanction; les lois entrent en vigueur un mois après leur publication, réserve faite des cas où la loi elle-même fixe un délai différent pour sa mise en application.

Art. 45 – Tout projet de loi repoussé par le Parlement, auquel il avait été présenté par le pouvoir exécutif, doit être retourné à celui-ci, avec indication des motifs pour lesquels il n’a pas été accepté.

Art. 46 – Les projets de loi non approuvés par le Parlement ne pourront y être représentés une deuxième fois au cours de la même session.

Art. 47 – Le Parlement contrôle le gouvernement. La question, l’interpellation et l’enquête font partie de la compétence de droit du Parlement; les modalités de leur mise en oeuvre seront déterminées par le règlement intérieur.

Art. 48 – Pour haute trahison, et aussi pour les délits prévus dans la loi spéciale sur la responsabilité des ministres, le Parlement met en accusation les ministres et les traduit devant le Tribunal suprême de l’État.

Art. 49 – Nul ne peut prendre la parole aux séances du Parlement à l’exception des députés et des ministres.

 

Chapitre II

LE POUVOIR EXÉCUTIF

 

Section A

LE ROI

 

Art. 50 – Le roi d’Albanie est S. M. Zog I, de l’illustre famille albanaise Zogu.

Art. 51 – Le trône est héréditaire en la personne du fils aîné du roi, et l’hérédité continue de génération en génération dans la ligne directe mâle.

Art. 52 – Lorsque l’héritier du trône meurt ou perd ses droits à la succession, son fils majeur lui est substitué.

Dans le cas où l’héritier meurt ou perd ses droits à la succession sans de fils, ses droits passent à son frère qui lui succède.

Art. 53 – A défaut d’héritier au trône royal selon les dispositions des articles 51 et 52, le roi choisit parmi les mâles de sa race (stirpe) l’héritier au trône avec le consentement du Parlement.

Lorsque le roi n’use pas de ce droit et que l’hérédité reste vacante le Parlement choisit lui-même l’héritier du trône parmi les mâles de la famille royale.

Dans le cas où il n’en existerait pas de cette souche, et dans celui aussi où les personnes en faisant partie auraient été, par délibération spéciale du Parlement votée par les deux tiers de ses membres, déclarés incapables d’accéder au trône, le Parlement choisira l’héritier parmi les mâles descendant de la fille ou de la sœur du roi, pourvu qu’il soit de nationalité albanaise.

À défaut d’un mâle de l’origine susdite, le Parlement choisira un successeur au trône, lequel devra être de race albanaise.

Dans le cas de vacance du trône sans que soit choisi un successeur, les pouvoirs royaux, jusqu’à la désignation du nouveau souverain, seront exercés par conseil des ministres.

Art. 54 – Le roi est majeur lorsqu’il a dix-huit ans accomplis.

Art. 55 – Le roi commence à exercer le pouvoir royal après avoir prêté serment, en la forme indiquée à l’article 56, devant le Parlement.

Art. 56 – Le roi, devant le Parlement, prête le serment suivant «Je..., roi Albanais, au moment d’accéder au trône du royaume d’Albanie et d’assumer les pouvoirs royaux, je jure devant le Dieu tout-puissant de conserver l’unité nationale, l’indépendance de l’État et son intégrité territoriale, et pareillement d’observer la Constitution et d’agir, conformément à elle comme d’après les lois de l’État, en prenant toujours considération du bien du peuple. Que Dieu me soit en aide!».

Exceptionnellement pour cette fois, le premier roi, S. M. Zog Ier, prêtera serment devant l’Assemblée constituante.

Art. 57 – Au cas de mort ou d’abdication du roi, le Parlement se réunit de plein droit dans les dix jours pour recevoir le serment du nouveau roi ou de la régence; s’il a été dissous, et si le nouveau Parlement n’est pas encore élu, l’ancien se réunit pour accomplir ce devoir. Tant que le roi ou la régence n’aura pas prêté serment, le pouvoir constitutionnel du roi est, au nom du peuple albanais, exercé par le conseil des ministres sous sa responsabilité.

Art. 58 – Quand il est constaté par le Parlement, d’accord avec le gouvernement, que le roi est dans l’impossibilité d’accomplir ses fonctions, ou quand le roi meurt cependant que l’héritier du trône est mineur, le pouvoir royal est exercé par la régence au nom du roi.

Dans le cas prévu à cet article, la tutelle appartient à la régence.

Art. 59 – L’exercice de la régence appartient à l’héritier du trône s’il est majeur. Dans le cas où l’héritier du trône ne peut, pour les causes prévues à l’article 58, tenir les obligations de la régence, celle-ci est attribuée de la manière suivante: a) à la reine (quand le roi se trouve dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions) ou à la reine-mère (quand le roi est mineur); - b) au président du Parlement; - c) au président du conseil des ministres; - d) au président du conseil d’État.

Art. 60 – A défaut de reine ou de reine-mère, le conseil de régence est composé seulement des trois autres membres désignés à l’article 59 du présent Statut.

Art. 61 – Lorsque le conseil de régence est formé, selon l’article 59, de quatre membres, et que l’un d’eux est provisoirement absent ou empêché, les trois autres, et, quand il est formé de trois, les deux autres traitent les affaires de l’état.

Art. 62 – Les régents ne peuvent entrer en fonctions sans avoir prêté serment devant le Parlement; leur serment doit exprimer la fidélité au roi, à la Constitution et aux autres lois de l’État.

Art. 63 –  Lorsque le roi meurt sans laisser d’héritier, mais que la reine, au moment du décès, est enceinte et que sa grossesse est constatée par trois médecins désignés par le conseil des ministres, il est institué un conseil de régence provisoire, pour exercer le pouvoir royal jusqu’à la naissance de l’enfant.

Art. 64 – Lorsque l’héritier du trône meurt sans fils, mais laisse à son décès sa femme enceinte, et que la grossesse est constatée avec les formalités officielles indiquées à l’article 63, la déclaration de succession au trône est retardée jusqu’à la naissance de l’enfant.

Art. 65 – Le roi doit résider toujours en Albanie; lorsqu’il s’éloigne provisoirement de l’Albanie, son pouvoir royal est exercé par l’héritier du trône; si celui-ci n’est pas majeur ou se trouve dans l’impossibilité d’exercer sa fonction, le conseil des ministres, sous sa responsabilité, exerce le pouvoir royal. Le roi ne peut demeurer absent de l’Albanie plus de trois mois.

L’exercice du pouvoir royal en semblable circonstance, tant de la part de l’héritier du trône que du conseil des ministres, aura lieu selon les recommandations impératives du roi, données dans les limites du Statut.

Art. 66 – Les dispositions de l’article 65 s’appliqueront aussi au cas où le roi se trouvera malade, mais non en état d’incapacité permanente.

Art. 67 – Le conseil des ministres, lorsqu’il exerce le pouvoir royal, n’a pas le droit de dissoudre le Parlement.

Art. 68 – L’exercice du pouvoir royal par le conseil des ministres ne peut, en tout cas, dépasser trois mois; à l’expiration de ce temps est formé le conseil de régence.

Art. 69 – Les régents, dans l’exercice de leurs fonctions, sont irresponsables.

Art. 70 – Le trône royal d’Albanie ne peut être uni à celui d’un autre royaume.

Art. 71 – Le roi est le chef suprême de l’état; il possède toutes les compétences et les droits accordés au trône par la présente Constitution, et il les exerce, par l’intermédiaire des ministres, selon les dispositions du présent Statut.

Il a le commandement suprême des forces de terre de mer et aériennes de l’état, et il l’exerce directement selon les dispositions spéciales du titre V du présent Statut.

Art. 72 – Le roi est inviolable et irresponsable. Ses ministres sont responsables.

Art. 73 – à l’exception de ce qui regarde le haut commandement, tous actes du roi, pour être valides et exécutoires, doivent avoir le contreseing du président du conseil des ministres et du ministre compétent.

Art. 74 – La loi sanctionne, ordonne la publication et la promulgation des lois votées par le Parlement.

Le roi peut refuser la sanction. Il peut aussi, en donnant ses motifs, demander une seconde discussion de la loi qui lui est présentée.

Dans le cas où le roi n’a pas, dans les trois mois de la présentation, exercé les pouvoirs susdits, la loi présentée aux fins d’approbation est considérée comme repoussée.

Art. 75 – Le roi nomme et destitue le président du conseil des ministres, et aussi les ministres que celui-ci a choisis.

Art. 76 – Le roi a le droit de mettre en accusation les ministres et de les déférer à la Haute-Cour.

Art. 77 – Le roi, dans tous les cas où il l’estime nécessaire, a le droit de convoquer le conseil des ministres, lequel discute et délibère sous sa présidence.

Art. 78 – Le roi a le droit de faire les règlements pour l’exécution des lois.

Ces règlements ne peuvent contenir aucune disposition nouvelle non comprise dans la loi.

Art. 79 – Le roi a le droit de grâce. Il a le droit de réduire et commuer les peines.

Il n’a le droit d’ordonner la suspension des procédures légales que pour le crimes politiques.

Le roi ne peut gracier les ministres condamnés pour des faits inhérents à leurs fonctions qu’avec le consentement du Parlement.

L’amnistie ne peut intervenir qu’avec l’approbation du Parlement; elle ne peut préjudicier à des droits privés.

Art. 80 – Le roi nomme et destitue les employés de l’État; il concède les grades militaires selon les dispositions légales en vigueur.

Art. 81 – Le roi représente l’État albanais tant à l’intérieur qu’à l’extérieur; il reçoit et accrédite les agents diplomatiques.

Art. 82 – Le roi peut déclarer la guerre en cas d’agression (di difesa); la déclaration de guerre, hormis le cas de guerre défensive, et la conclusion de la paix doivent avoir l’agrément du Parlement.

Art. 83 – Le roi conclut les traités d’amitié, d’alliance et autres; il en rend compte à son heure, au Parlement, dans la mesure compatible avec l’intérêt supérieur de l’État.

Les traités de commerce, et ceux des traités qui comportent une charge réelle pour l’état ou personnelle pour les citoyens albanais, n’ont validité ni effets s’ils n’ont été approuvés par le Parlement.

Art. 84 – Les clauses secrètes des traités ne peuvent annuler leurs dispositions patentes

Art. 85 – Le roi seul a droit d’accorder des décorations et de faire frapper monnaie en conformité des lois.

Art. 86 – Les décorations accordées aux citoyens albanais par des États étrangers ne peuvent être acceptées par eux que moyennant une permission spéciale du roi.

Art. 87 – Il n’y a d’apanages que pour le roi, la mère du roi, l’héritier du trône, les mâles mineurs et les filles nubiles ou les veuves du roi mort, et aussi pour les régents durant l’exercice de leurs fonctions.

L’apanage du roi est de 500.000 francs-or par an; cette somme pourra être modifiée par la loi.

Le montant des autres apanages sera déterminé par la loi.

Art. 88 – Le personnel de la cour royale et ses fonctions seront déterminés par une loi spéciale; leur nomination et révocation appartient directement au roi.

Art. 89 – Le mariage du roi et de l’héritier du trône ne peut être contracté qu’avec le consentement du Parlement.

Art. 90 – Quand l’héritier du trône se marie sans l’autorisation du Parlement, il perd son droit, et les fils qui naissent de ce mariage perdent leur droit à la succession.

De même, lorsque l’héritier se montre incapable ou que sa conduite n’est point conforme à la qualité de sa haute vocation, le Parlement, d’accord avec le roi, peut décider, aux deux tiers des voix, son exclusion de l’héritage.

Art. 91 – A l’ouverture de la session ordinaire, et au début de toute législature, le roi, dans un discours du trône, personnellement ou par un message, expose la situation générale du pays et les mesures qu’il croit nécessaires durant l’année à venir.

Le Parlement lui répond au plus tôt.

Le discours du trône et le message doivent être contresignés par le cabinet.

Art. 92 – Le roi peut ordonner l’ouverture de la session ordinaire avant l’époque fixée par le présent Statut; toutefois cette convocation ne peut être lancée plus d’un mois avant l’époque statutaire.

De même il peut ordonner l’ouverture de sessions extraordinaires, lesquelles doivent être closes avant le début de la session ordinaire.

Art. 93 – Le roi clôt les sessions par un décret, qui doit être lu au Parlement de la part du gouvernement. Ce décret doit être signé par le cabinet.

Art. 94 – Le roi a le droit de reculer le début de la session, de suspendre les réunions en cours de session et de prolonger la durée de la session.

Ce droit ne peut être utilisé deux fois de suite durant une même session; le droit de prorogation, de suspension ou d’allongement ne peut dépasser un mois. Les décrets y relatifs seront contresignés par le cabinet.

Art. 95 – Le roi, quand il l’estime nécessaire, a le droit de dissoudre le Parlement. En ce cas il agit sur la base des articles 35 et 36 du présent Statut.

Le décret de dissolution doit être contresigné par le cabinet.

Art. 96 – Lorsque le Parlement n’est pas réuni tandis que se manifestent des besoins très urgents, le roi, sous la responsabilité du conseil des ministres, a le droit d’émettre des décrets-lois, lesquels, à l’ouverture de la plus prochaine session, devront être, dans la quinzaine, présentés au Parlement, ensemble le rapport justificatif, pour être discutés et examinés.

Faute d’être présentés dans ce délai et approuvés par le Parlement, ils sont considérés comme abrogés. Ces décrets-lois ne peuvent être abrogés ni modifiés par les Codes.

Art. 97 – En cas de guerre ou de situation analogue, en temps de révolution ou dans l’expectative d’une révolution ou d’une mobilisation générale où d’une calamité publique, le roi, sous la responsabilité du cabinet, a le droit de proclamer l’état de siège partiel ou général.

Le décret d’état de siège doit, dans les vingt-quatre heures, être communiqué au Parlement à fin d’approbation.

Si le Parlement est en vacances, le décret d’état de siège sera présenté au Parlement, dans sa plus prochaine session et au plus tard dans les trois 4 jours de son ouverture. Le Parlement en discute et délibère dans la semaine.

L’état de siège restreint et suspend provisoirement la liberté individuelle, l’inviolabilité du domicile, le droit d’association et de réunion, la liberté de la presse, le secret des correspondances et la liberté de la parole.

Une loi spéciale réglera les modalités de la restriction et de la suspension des droits susdits, et elle fixera, en même temps que la zone de l’état de siège, le mode d’exécution des dispositions qui seront appliquées dans la zone en état de siège.

Art. 98 – Le roi porte le titre de «Sa Majesté», l’héritier prince d’Albanie de «Son Altesse», la reine mère et la reine de «Sa Majesté», les frères consanguins et les fils du roi de «Princes»; les sœurs consanguines et les filles de «Princesses»; ces deux derniers titres ne sont pas héréditaires, et ils peuvent, à l’occasion, être enlevés par décret royal. Ceux-ci mis à part, l’Albanie ne peut accorder des titres de noblesse, et les Albanais n’en peuvent porter dans leur pays.

 

Section B

LES MINISTRES

 

Art. 99 – A la tête des services d’État qui dépendent du roi est le conseil des ministres, lequel se compose du président du conseil et des ministres.

Art. 100 – Le conseil des ministres est présidé par le président du conseil. Les ministres administrent les divers services selon le titre de chacun.

Art. 101 – Nul ne peut être nommé ministre s’il n’est de race et de souche albanaises, et s’il ne connaît la langue albanaise.

Les étrangers de race, naturalisés citoyens albanais, ne peuvent être nommés ministres.

De même ne peuvent être nommés ministres ceux qui n’ont pas les qualités requises par la loi pour être élus députés.

Art. 102 – Aucun des membres de la famille royale ne peut être nommé ministre.

Art. 103 – Ne peuvent être ministres du même cabinet les parents jusqu’au troisième degré.

Art. 104 – Les ministres, avant d’entrer en charge, prêtent serment devant le roi. Ce serment doit contenir promesse de fidélité au roi, à la Constitution et aux lois de l’État.

Art. 105 – Les ministres nomment les employés dépendant d’eux, conformément aux dispositions légales en vigueur.

Art. 106 – Les ministères sont créés par la loi.

Art. 107 – Les ministres entrent librement au Parlement; ils doivent être entendus toutes les fois qu’ils demandent la parole; mais ils n’y votent que s’ils sont députés.

Art. 108 – L’ordre du roi ne peut exempter les ministres de leur responsabilité.

Art. 109 – Le cabinet est solidairement responsable envers le roi et le Parlement des questions relatives à la politique générale de l’État, et chaque ministre individuellement des actes de sa compétence.

Art. 110 – Les ministres ne peuvent être mis en accusation pour des délits prévus dans la loi spéciale après quatre ans comptés depuis leur sortie de charge.

Art. 111 – Les ministres sont considérés comme déchus de leur charge dès lors qu’est intervenue la décision de les déférer au Tribunal de l’État (Tribunal suprême).

Art. 112 – Le cabinet doit, dans la semaine qui suit sa constitution, se présenter devant le Parlement, afin d’en obtenir un vote de confiance.

Si le Parlement n’est pas réuni, le vote de confiance doit être obtenu dans la plus prochaine séance.

Pour la première fois le vote de confiance émanera de l’Assemblée constituante.

Art. 113 – Le cabinet qui n’obtient pas la confiance du Parlement doit présenter sa démission au roi.

Art. 114 – Au cas où le président du conseil présente sa démission, et de même lorsque son mandat vient à lui être retiré, le cabinet présidé par lui est tenu de démissionner.

Art. 115 – Les ministres jouissent de l’immunité parlementaire.

Art. 116 – Le cabinet peut retirer les projets qu’il a lui-même présentés tant qu’ils n’ont pas encore été définitivement votés par le Parlement.

Art. 117 – Les projets de loi proposés par le pouvoir exécutif doivent être présentés au législatif par l’intermédiaire de la présidence du conseil, après avoir été approuvés par le conseil des ministres.

 

Chapitre III

 

Section A

LES TRIBUNAUX

 

Art. 118 – L’organisation, les droits et la compétence des tribunaux seront établis par la loi.

Les juges, de qui émanent les sentences, sont indépendants et doivent être guidés uniquement par la loi et leur conscience; nul ne peut intervenir et influencer l’émission d’une sentence judiciaire.

Art. 119 – Les décisions des tribunaux ne peuvent être modifiées, ni leur exécution contrariée ou suspendue, par aucun autre pouvoir, législatif ou exécutif, hormis les circonstances et les modes prévus au présent Statut.

Art. 120 – Les juges et procureurs de l’État sont inamovibles dans les conditions établies par la loi organique; les recours éventuels contre les juges ou le procureur de l’État, et les modalités de leur nomination et transfert, de la destitution, de l’avancement, de la dégradation, de la suspension et de la mise à la retraite, ainsi que la fixation de leurs traitements et rémunérations, feront l’objet de la loi organique du ministère de la justice.

Cette disposition sera mise à exécution un an après l’entrée en vigueur du présent Statut.

Art. 121 – Il est sévèrement défendu aux juges d’assumer, en plus des droits et des devoirs établis par la loi, aucun autre emploi ni aucune fonction publique ou privée.

Art. 122 – Toute personne a la faculté de défendre ses propres droits de la manière admise par la loi.

Art. 123 – Les débats judiciaires ont lieu publiquement, à l’exception des cas ou la loi estime opportun, à raison de quelque circonstance spéciale, d’ordonner le huis-clos dans l’intérêt de l’ordre public et de la paix générale.

Art. 124 – Les juges délibèrent au scrutin secret; toutefois la sentence résultant de cette délibération doit être prononcée publiquement selon la loi.

Art. 125 – Les sentences des tribunaux doivent être motivées d’après la loi et porter mention des articles de loi sur lesquels elles sont basées.

Art. 126 – Il ne peut, en aucune manière, être établi des tribunaux extraordinaires. Néanmoins, pour des crimes politiques, quand la nécessité s’en fait sentir, une juridiction spéciale peut être instituée par une loi particulière et pour un temps déterminé.

Art. 127 – Nul tribunal ne peut refuser l’examen de questions qui sont de sa compétence et de son office.

Lorsqu’un tribunal estime une question étrangère à sa propre compétence et à son propre devoir, il en doit écarter l’examen par une sentence régulière.

Art. 128 – Le jugement d’un individu accusé par-devant les tribunaux pour un délit comportant privation de la liberté individuelle durant plus de trois années au maximum ne peut avoir lieu sans l’assistance d’un avocat défenseur choisi par l’inculpé lui-même. Dans le cas où l’inculpé ne se choisit pas un défenseur, celui-ci est désigné par le tribunal sur le fondement de la loi. L’interrogatoire de l’accusé, en pareille circonstance, chez les juges d’instruction peut être fait en présence de l’avocat défenseur choisi par ledit accusé.

Art. 129 – Tous les juges et les procureurs de l’État, choisis et préposés sur le fondement de la loi spéciale, doivent être nommés par décret royal.

Art. 130 – L’Albanie a une cour d’appel (ou de cassation) dite «Diktim », laquelle se divise en sections d’après les bases de la loi spéciale. La juridiction centrale du «Diktim» a son siège dans la capitale.

Art. 131 – Une loi spéciale fixera le statut disciplinaire des juges et procureurs.

Art. 132 – Les présidents, les membres et les juges assistants du «Diktim», ainsi que le procureur général de l’État, seront, pour leurs faits de service, et pour les délits commis durant le service, jugés par le Haut-Tribunal de l’État (Tribunal suprême).

Art. 133 – Les juges, à l’exception de ceux du «Diktim» et des procureurs de l’État, seront, pour les faits relevant de leurs fonctions et aussi pour les délits commis durant le service, jugés par le «Diktim» conformément a la loi, après qu’auront été remplies les formalités de mise en jugement sur la base de la loi spéciale.

Art. 134 – La sentence déférant au tribunal les juges et les procureurs de l’État emporte, par elle-même, la suspension de leurs fonctions.

 

Section B

LE HAUT-TRIBUNAL DE L’ÉTAT

 

Art. 135 – Pour juger les ministres, les présidents, les juges et les membres assistants du «Diktim», du Conseil d’État, de la Cour des comptes, ainsi que le procureur général (procureur en chef) de l’État, à raison de leurs faits de service et aussi des délits commis durant leur service, est formé le Haut-Tribunal de l’État.

Art. 136 – Le Haut-Tribunal de l’État est, en cas de besoin, constitué par décret royal.

Art. 137 – Le Haut-Tribunal de l’État est composé du président de la section pénale du «Diktim», comme président, de quatre membres du «Diktim» et de quatre membres du Conseil d’État, désignés au sort parmi ses membres en séance spéciale.

Art. 138 – Les fonctions de procureur seront remplies par le procureur général de l’État.

Art. 139 – Les sentences de ce tribunal doivent être rendues aux deux tiers des voix et sont irrévocables.

Art. 140 – Le Haut-Tribunal juge et prononce selon les lois en vigueur de l’État.

 

TITRE III

LES FINANCES DE L’ÉTAT

 

Chapitre premier

LES FINANCES

 

Art. 141 – L’impôt est une contribution du peuple aux dépenses générales de l’État.

Art. 142 – Aucun impôt, de quelque espèce qu’il soit, ne peut être appliqué ou perçu si ce n’est en vertu de la loi.

Toutefois, lorsqu’est établi un impôt ou que sont augmentés les droits de douane, la perception en est faîte à partir du jour où a été présenté au Parlement, sous pli fermé, le projet de loi y relatif, lequel doit être voté dans un délai de quinzaine. Lorsque les droits de douane sont abaissés, la loi décidant cette diminution entre en vigueur deux mois après sa publication.

Art. 143 – La loi ne peut créer d’impôts qu’au profit de l’État, de la préfecture, des communes, municipes et établissements publics.

Les impôts au profit de la préfecture et des communes sont créés après q’a été obtenu le consentement des conseils locaux.

Art. 144 – Il ne peut être créé de privilèges sur les impôts. Aucune exemption, modification ou abrogation d’impôts ne peut résulter que d’une loi.

Il ne peut être créé de monopole si ce n’est par une loi et uniquement en faveur de l’État et des municipes.

Art. 145 – Nul fonds de pensions ou gratifications ne peut être mis à la charge de l’État que par une loi.

Art. 146 – Le pouvoir exécutif, au cours du mois de janvier de chaque année, présente au Parlement le budget de prévisions, lequel est voté chapitre par chapitre, deux fois en deux jours successifs; dans ce budget doivent être inscrites toutes les recettes et dépenses de l’État, ensemble les lois sur lesquelles sont basées les recettes.

Le ministre des finances est tenu, de la fin de l’année financière au mois d’août, de rendre compte du budget de l’année précédente à la Cour des comptes, laquelle, après l’avoir examiné, présente au Parlement, en novembre, son rapport y relatif, avec toutes les observations nécessaires. Toujours dans le même laps de temps, le budget expiré, après avoir été ainsi examiné, ensemble le rapport de la Cour des comptes, est communiqué à la présidence du conseil des ministres, qui le présente au Parlement à fin d’approbation.

Le budget examiné est généralement voté en une seule fois.

Art. 147 – Dans le cas où le budget de prévisions n’a pu être voté avant le 31 mars, le pouvoir exécutif est autorisé à mettre en œuvre le budget de l’année précédente tant que n’aura pas eu lieu le vote du budget présenté.

Art. 148 – Quand un crédit prévu au budget ne suffit pas au service auquel il est assigné, ou bien lorsque se manifeste la nécessité d’une dépense pour des services non prévus au budget, le pouvoir exécutif, au moyen d’un projet de loi, sollicite du Parlement l’augmentation ou l’octroi des crédits; il est tenu d’indiquer les moyens de faire face à ces dépenses.

Art. 149 – Aucun emprunt ne peut être contracté pour l’utilité de l’État hors une loi qui l’autorise.

Art. 150 – Les richesses immobilières de l’État ne peuvent être aliénées, ni mises en ferme pour plus de vingt ans, sans l’approbation du Parlement.

Art. 151 – Les richesses minières sont divisées en deux catégories: mines et carrières; les premières sont propriété de l’État, et les secondes des possesseurs de la surface du sol. Leur exploitation se fait conformément aux règles de la loi spéciale.

Art. 152 – Les eaux et les sources minérales feront l’objet d’une loi spéciale les droits acquis à leur sujet sont respectés.

 

Chapitre II

LA COUR DES COMPTES

 

Art. 153 – Les finances de l’État sont contrôlées par la Cour des comptes, laquelle est indépendante dans l’exercice de ses fonctions.

Art. 154 – La Cour des comptes est composée d’un président et de deux membres; son organisation, le mode d’exercice de sa compétence et la qualité de ses membres seront établis par une loi spéciale.

Art. 155 – Le contrôle préventif et celui de l’exécution de toutes les recettes et dépenses de l’État sont exercés par la Cour des comptes.

Chaque année, la Cour des comptes présente au Parlement un rapport général contenant les comptes de l’exercice écoulé et notant les irrégularités qui ont pu être commises par les diverses administrations de l’État dans l’exécution du budget.

Art. 156 – La Cour des comptes, tous les trois mois, au moyen d’un rapport particulier, expose au roi la situation financière de l’État, par l’intermédiaire de la présidence du conseil des ministres.

Art. 157 – Le président et les membres de cette Cour sont désignés par le roi entre deux candidats choisis par une commission spéciale composée du président du conseil, du président da la Chambre et du ministre des finances. Les autres fonctionnaires de la Cour sont nommés conformément à la loi.

Art. 158 – Le président et les membres de la Cour des comptes, pour leurs faits de service et aussi pour des délits commis dans l’exercice de leurs fonctions, sont accusés et déférés au Haut-Tribunal sur délibération du Parlement.

Art. 159 – Les membres de la Cour des comptes, avant d’entrer en fonctions, prêtent le serment nécessaire devant le roi. Ils sont nommés pour une période de sept années, laquelle commence, pour chaque membre, à la date du décret; leur inamovibilité durant cette période est garantie, étant exceptés les cas prévus par la loi des pensions et ceux où est discutée par le Parlement leur suspension ou leur délation au Haut-Tribunal.

 

TITRE IV

LE CONSEIL D’ÉTAT

 

Art. 160 – Pour l’accomplissement des tâches instituées par ce Statut ou par des lois spéciales sera formé un Conseil d’État.

Art. 161 – Le Conseil d’État est composé de dix membres et de deux membres suppléants.

Art. 162 – Les membres et les suppléants de ce Conseil seront désignés par le roi, entre deux candidats choisis d’abord par la commission spéciale composée du président du conseil des ministres, du président de la Chambre et du ministre de la justice. Les autres membres seront nommés sur la base de la loi.

Art. 163 – Le président du Conseil d’État sera désigné par le roi entre les membres de ce Conseil. Pareillement le président de ce Conseil peut être dispensé de sa charge de président directement par le roi.

Art. 164 – Le mode d’exercice des fonctions du Conseil d’État sera déterminé par une loi spéciale.

Art. 165 – Le président, les membres et les suppléants du Conseil d’État, pour leurs faits de service et pour les délits commis dans l’exercice de leurs fonctions sont mis en accusation et déférés au Haut-Tribunal sur délibération du Parlement.

Art. 166 – Les membres et les suppléants de ce Conseil sont nommés pour sept années; cette période court de la date du décret de nomination. Ils prêtent serment devant le roi avant d’entrer en fonctions. Leur inamovibilité durant cette période est garantie, étant exceptés les cas prévus par la loi des pensions et ceux où est discutée par le Parlement leur suspension ou leur délation au Haut-Tribunal.

Art. 167 – Les membres et les suppléants du Conseil d’État, outre les qualités requises par la loi, doivent être munis de diplômes universitaires, d’une culture distinguée, éprouvés et capables.

Art. 168 – L’office du Conseil d’État est a) de préparer les Codes; - b) de préparer et d’examiner tous projets de loi et règlements qui lui sont soumis; - c) de faire examen et donner avis au sujet des conventions et des concessions; - d) d’exécuter les tâches dont il est chargé par la loi spéciale ou les diverses lois de l’État.

 

TITRE V

LES FORCES DE DÉFENSE NATIONALE

 

Art. 169 – Les forces armées de l’État, sous l’autorité absolue du pouvoir exécutif, ont pour devoir la défense de l’honneur, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de la patrie, et celle des hauts intérêts matériels et moraux de l’État.

Art. 170 – Les forces armées sont: a) l’armée nationale (composée de toutes les forces terrestres, maritimes et aériennes); - b) la gendarmerie.

 

Section A

L’ARMÉE NATIONALE

 

Art. 174 – Le service militaire est obligatoire pour tous les sujets albanais, sauf les exemptions établies par la loi.

Art. 172 – L’organisation des divers éléments de l’armée est réglée par la loi; toutefois le mode de leur emploi et la formation des unités s’effectuent selon l’ordre du souverain.

Art. 173 – Les effectifs de la force armée sont déterminés annuellement dans le budget.

Art. 174 – L’intendance de la force armée est dirigée et réglée par des commandants généraux. Les commandants en question sont autorisés à disposer de leurs budgets, mais toujours sous le contrôle du ministère des finances.

Art. 175 – Les tribunaux militaires, dans les affaires pénales, agissent selon les lois et la procédure spéciales. Les règlements relatifs à la discipline militaire et aux peines disciplinaires sont mis en vigueur par édit royal.

Art. 176 – Toutes les forces armées de l’État forment un corps et sont sous le commandement et les ordres absolus du roi.

Art. 177 –  Le roi peut, en temps de guerre, confier à un officier d’un haut grade le commandement effectif des opérations. Quand le roi assume lui-même le commandement général effectif, il est directement responsable devant la nation pour tout ce qui concerne l’exécution des opérations.

Art. 178 – Le roi appelle au service les recrues et, dans les circonstances établies par la loi comme dans les circonstances extraordinaires, les réservistes; lui seul règle et ordonne le mode de division des forces, lesquelles ne peuvent être changées sans son ordre communiqué par l’intermédiaire du commandant de la défense nationale.

Art. 179 – Le roi, en qualité de commandant général des forces armées, impartit, sans intermédiaire, les ordres au commandant de la défense nationale.

Art. 180 – Le commandant de la défense nationale est responsable de ses actions illégales devant la loi.

Il est représenté devant le pouvoir législatif par le président du conseil des ministres.

Art. 181 – Toutes les troupes sont obligées d’obéir aux ordres du roi; cette obligation est rappelée dans le serment qu’elles prêtent devant le drapeau national.

Art. 182 – La nomination des officiers, celle du commandant de compagnie en tête, est effectuée par le roi. Ces officiers attestent à nouveau leur fidélité et leur obéissance au roi, en prêtant serment devant le drapeau national.

Art. 183 – Le grade militaire est conféré et retiré, sur la base des lois en vigueur, par décret royal.

Les pensions militaires seront réglées par la loi.

Art. 184 – Le commandant de la défense nationale et le chef de l’état-major sont les conseillers naturels du roi dans les questions militaires, qu’il décide seul.

Le roi, dans des circonstances importantes, peut former aussi un conseil militaire.

Art. 185 – Les étrangers ne peuvent être employés au service de l’armée qu’en qualité d’organisateurs, et ce par contrats qui ne peuvent être conclus pour une période supérieure à cinq années.

Art. 186 – Tout délit commis par des civils, ensemble des militaires, en temps de paix est jugé par les tribunaux de guerre et en temps de guerre par des tribunaux militaires.

Art. 187 – Aucune force armée étrangère ne peut pénétrer sur le territoire albanais, et nulle force armée albanaise être expédiée hors l’Albanie, que dans des cas délibérés par le Parlement.

Art. 188 – Les membres actifs des forces armées jouissent de tous les droits civils sauf les exceptions établie par la loi.

 

Section B

LA GENDARMERIE

 

Art. 189 –  L’organisation et l’importance numérique de la gendarmerie seront établies par des lois spéciales.

Art. 190 – La gendarmerie de l’État, du point de vue militaire, sera rattachée au commandant suprême, selon des modes établis en conformité des dispositions de la section A du présent titre; du point de vue de sa mission, elle dépend du ministre de l’intérieur, et elle fonctionne selon les dispositions légales en vigueur.

 

TITRE VI

LES DROITS DES CITOYENS

 

Art. 191 – Tout Albanais naît et vit indépendant.

En Albanie est prohibé le commerce des personnes; quiconque a été acheté ou est esclave devient libre en mettant le pied sur le territoire albanais.

Art. 192 – La liberté est un droit naturel de chacun; elle trouve sa limite dans la liberté d’autrui. Ces limites ne peuvent être établies que par les lois.

Art. 193 – La liberté personnelle est garantie. Nul ne peut être cité en justice, arrêté ou emprisonné que dans les circonstances prévues et en la forme établie par la loi.

Art. 194 – Tous les sujets sont égaux devant la loi, et sans exception sont obligés au respect des lois.

Art. 195 – Tous les sujets jouissent également des droits politiques et civils, et peuvent accéder à tous les emplois civils et militaires; sauf les exceptions établies par la loi.

Art. 196 – Le domicile est inviolable. L’entrée par force dans le domicile ne peut avoir lieu, sauf dans les cas ordonnés par la loi.

Art. 197 – La liberté de la parole et celle de la presse sont garanties. La censure ne peut être appliquée qu’en temps de guerre, de mobilisation et lors des autres circonstances extraordinaires prévues par la loi.

Les conditions sur le règlement de la presse, la confiscation des imprimés et les procédures légales touchant les délits de presse seront établies par la loi.

Seuls les sujets albanais pourront publier des journaux en Albanie.

Art. 198 – Le droit de propriété, de quelque nature de propriété qu’il s’agisse, est inviolable; nul ne peut être exproprié de sa propriété, si la nécessité et l’utilité publique de l’expropriation n’ont été régulièrement établies et si une juste indemnité n’a été payée, selon la loi spéciale.

Art. 199 – Le droit d’association et le droit de réunion pacifique et sans armes sont garantis en conformité des lois.

Les associations ne peuvent être dissoutes pour contraventions aux lois que par décision du tribunal.

Aux réunions publiques ne peuvent assister les organes de la police.

Les réunions qui se tiennent en plein air, quand elles risquent de troubler la tranquillité publique, peuvent être interdites.

Art. 200 – Les sujets albanais, dans la limite des lois, ont le droit de se constituer en société; l’usage de ce droit n’est soumis à aucune mesure préventive.

Art. 201 – Le secret de la correspondance postale, télégraphique et téléphonique est inviolable, sauf dans le cas de guerre, de mobilisation, de révolution et d’instruction au sujet de graves délits.

La loi y relative définit la responsabilité de ceux qui violent le secret de la correspondance postale, télégraphique et téléphonique.

Art. 202 – La liberté de circulation ne peut être gênée en aucune manière, sauf dans les cas légalement prévus.

Art. 203 – La liberté de pensée et celle de conscience sont garanties. La manifestation de la pensée sous toutes ses formes doit être conforme à la loi.

Art. 204 – Seuls les sujets albanais ont accès aux emplois de l’État; les étrangers ne peuvent entrer en service qu’en qualité de spécialistes par voie de contrats, lesquels ne peuvent être stipulés pour plus de cinq ans.

Art. 205 – Toute forme de torture corporelle est absolument interdite.

Art. 206 – L’instruction élémentaire est obligatoire pour tous les sujets albanais et distribuée gratuitement dans les écoles de l’État.

Art. 207 – En se conformant aux lois, aux principes et aux programmes approuvés par l’État pour ses propres écoles, et sauf le contrôle effectif du gouvernement, les sujets albanais peuvent fonder des écoles privées.

Les étrangers, en se conformant aux lois, peuvent être autorisés à fonder des écoles techniques et d’agriculture seulement, avec programme théorique et pratique.

Pareillement peuvent être instituées par des communautés religieuses albanaises des écoles religieuses avec la permission du ministre compétent et en conformité avec les lois; le nombre des écoles religieuses de toute communauté, de même que celui des élèves de ces écoles, sera fixé par le ministre compétent après délibération du conseil des ministres.

Art. 208 – La confiscation est prohibée et ne peut être pratiquée que sur la base des lois relatives aux sentences judiciaires.

Art. 209 – La prise de biens par voie d’autorité (angharia) est interdite. L’État, en temps de guerre, a le droit de réquisition et, au moyen d’une loi spéciale, celui de contracter des emprunts intérieurs forcés.

Art. 210 – Nul sujet ne peut être expulsé du territoire de l’État.

Nul ne peut être interné dans l’État, ni obligé à désigner un lieu d’habitation forcée, sauf dans les circonstances prévues par la loi.

Art. 211 – L’extradition des sujets est absolument prohibée.

Art. 212 – Chaque citoyen, et plusieurs ensemble, et aussi les personnes morales, ont le droit de recourir (di rivolgersi) verbalement ou par écrit aux autorités compétentes et au Parlement au sujet de leurs droits privés et publics.

Les autorités sont obligées de répondre par écrit et au plus tôt aux demandes relatives aux droits privés.

Art. 213 – Nul ne peut être cité en justice, ni jugé à un autre tribunal que celui ayant compétence d’après la loi.

 

TITRE VII

DISPOSITIONS DIVERSES

 

Art. 214 – Un sujet albanais ne peut être en même temps sujet d’un État étranger.

La nationalité albanaise s’acquiert, se conserve et se perd selon les dispositions établies dans le Code civil.

Art. 215 – Tous les étrangers résidant en Albanie jouissent de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi. Les étrangers n’ont d’aucune façon le droit de propriété rurale en Albanie, à quelque titre que ce soit; pareillement ils n’ont pas le droit de propriété immobilière dans les localités voisines des frontières de l’État ou sur les rivages de la mer tels qu’ils sont déterminés par décret royal. Cette disposition ne préjudicie pas aux droits acquis.

Les étrangers ont seulement le droit d’aliéner les terrains en question et celui d’être propriétaires des immeubles ruraux nécessaires à l’installation des mines et à l’aménagement des communications.

Art. 216 – Aucune organisation d’État ne peut être effectuée ni modifiée que par la loi.

Aucun emploi ne peut être créé que par une loi.

Les circonscriptions administratives, judiciaires, militaires et de tout autre ordre, de même que le changement de leur chef-lieu, sont fixées uniquement par la loi.

Art. 217 – Aucune condamnation ne peut être prononcée ni exécutée que d’après la loi.

Art. 218 – Les lois ne peuvent avoir une vertu rétroactive, sauf pour commuer les condamnations pénales.

Art. 219 – L’État reconnaît les personnes morales créées selon la loi.

Art. 220 – Le statut, les droits, les obligations, les traitements, les pensions, les gratifications, les modalités de la nomination, de la destitution, de l’avancement, de la dégradation et de la délation à la justice pour faits de service des employés seront établis par des lois spéciales.

Art. 221 – L’agent en disponibilité demeure dans les cadres des diverses branches de l’administration, lorsque cette possibilité est prévue dans la loi budgétaire.

Art. 222 – La terre domaniale est propriété de l’État, et ses produits sont mis à profit selon les dispositions du Code civil.

Jusqu’à l’entrée en vigueur du Code civil s’appliquent à la terre les dispositions légales actuellement observées.

Art. 223 – La présente Constitution ne peut être suspendue, ni totalement ni partiellement.

Aucune loi ni aucun règlement ne peut intervenir en contradiction avec la lettre et l’esprit de la présente Constitution.

 

TITRE VIII

LA RÉVISION DE LA CONSTITUTION

 

Art. 224 – Les propositions aux fins d’interprétation authentique, de modification, d’addition ou de révision (générale ou partielle) ne peuvent émaner que du roi ou du Parlement.

Pareilles propositions, hormis celle de révision général, doivent indiquer explicitement tous les points de la Constitution dont est demandée l’interprétation, la modification, l’addition ou la révision partielle. Toutefois ne peut être demandée ou acceptée la révision des articles 1er, 2, 6, 50, 51, 52, 70 de la présente Constitution.

Art. 225 – Les propositions énumérées à l’article 224, lorsqu’elles émanent du Parlement, doivent être signées par un tiers au moins des membres composant la Chambre.

Art. 226 – Les propositions dont il est question à l’article 224 doivent, en règle, être votées aux deux tiers des voix de l’assemblée; toutefois le second vote doit être émis aux trois quarts des membres composant le Parlement.

Art. 227 – Lorsque, sous réserve des articles 1er, 2, 6, 50, 51, 52, 70, une proposition a été faite touchant la nécessité d’une révision générale de la Constitution ou la modification des dispositions des articles 8 et 53 et a été, en règle, approuvée par les trois quarts des membres composant la Chambre, le Parlement est de plein droit dissous; et de nouvelles élections doivent avoir lieu selon l’article 3 du présent Statut pour la constitution d’une assemblée de révision qui sera composée d’un nombre de membres double de celui du Parlement dissous. L’assemblée de révision se réunit dix jours après l’achèvement des élections et discute seulement des articles admis en principe par le Parlement dissous. A la fin de sa tâche l’assemblée se dissout automatiquement, et il est procédé aux élections pour le Parlement.

Art. 228 – Les interprétations authentiques, les modifications, les additions votées par le Parlement selon l’article 226 entrent en vigueur après avoir été sanctionnées par le roi.

Au cas où elles ne sont pas approuvées dans les quinze jours de leur présentation, le roi les renvoie au Parlement, en indiquant ses raisons; le Parlement met à nouveau la question en discussion et, s’il persiste dans sa première délibération, il est tenu pour dissous de plein droit. La délibération du nouveau Parlement est définitive et doit être promulguée par le roi.

Art. 229 – Les délibérations de l’assemblée de révision sont irrévocables, et doivent être promulguées par le roi dans les quinze jours de la présentation qui lui en est faite.

 

TITRE IX

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

 

Art. 230 – L’Assemblée constituante, après le vote définitif de la présente Constitution, continuera d’exister au titre de Parlement jusqu’au terme de la période de quatre années commencée le 16 août 1928.

Art. 231 – Dans les lois et règlements de l’État seront substituées, toutes les fois qu’elles y seront employées, à l’expression «République» celle de «Royaume», et à celle de «président de la République» celle de «roi».

 

TITRE X

DISPOSITIONS FINALES

 

Art. 232 – Sont abrogées les dispositions légales contraires à celles de la présente Constitution.

Art. 233 – Demeurent abrogées toutes les dispositions de la précédente Constitution [supra, t. 1, p. 39 sv.].

Art. 234 – La présente Constitution entrera en vigueur le jour de sa publication.

 

 

 

(1) Traduction d’après la version publiée dans le Bollettino parlamentare, Rome, t. III,avril 1929, p. 983 sv.

 

 

 

 

 

FONTE:

F.-R. e P. Dareste, Les Constitutions modernes; Europe III, Recueil Sirey, Paris 1931.



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